Larmandier bernier

Terre de Vertus 1er Cru by Larmandier-Bernier NV (France, Champagne)


Emballé par un champagne, ça ne m’arrive pas tous les jours. Emballé par un champagne accessible (pécuniairement) est pour le coup l’histoire de l’année. La très belle page de Larmandier-Bernier vous donnera les informations techniques précises sur ce vin que je n’hésite pas à qualifier d’exceptionnel : Champagne Terre de Vertus.

En voici la substance : brut non dosé, blanc de blanc, issus de Vertus, village classé 1er Cru. Le vin est non millésimé mais provient d’une seule année. En langage décodé, cela signifie :

1- Brut non dosé = ce Champagne est complètement sec, aucun sucre n’est ajouté lorsque le vin est dégorgé. (Et je vous explique succinctement en marche arrière) Le dégorgement est l’opération finale avant la mise sur le marché, elle consiste à retirer les résidus ayant permis la prise de mousse. Pour « faire la mousse » du champagne, le vinificateur introduit dans la bouteille, qu’il bouche une première fois, des levures et du sucre. Celles-ci consomment le sucre et produisent alcool et gaz. La bouteille étant bouchée, le vin monte en pression et « devient » effervescent. Mais il faut supprimer ces dépôts avant de commercialiser. La bouteille est alors « dégorgée », c’est-à-dire qu’on l’ouvre et on retire ce dépôt. L’opération fait perdre un peu de champagne, on ajuste donc le niveau. Cet ajustement, c’est l’ajout de la liqueur d’expédition et c’est à ce moment qu’intervient le dosage. Il permet de typer le Champagne au niveau sucre (du sec jusqu’au doux) ou d’en corriger certains aspects (par exemple, quand on veut produire un Champagne de marque, correspondant à un goût « constant »). Le dosage des champagnes BRUT classiques, type Moët et Chandon, Veuve Cliquot, Henriot, Pol Roger… se situe entre 7 g/l et 14 g/l de sucre résiduel, sucré qui ne se retrouve pas nettement en bouche car il est largement compensé par l’acidité naturelle de ce vin. Non dosé signifie qu’il n’y a aucune sucre ajouté. Le vin est donc livré tel quel. C’est un exercice difficile qui impose la contrainte supplémentaire de bien gérer ses maturités afin de ne pas avoir une acidité trop tranchante. La contre partie est d’avoir un vin final très pur et très lisible.

2/ Blanc de blanc = simple, cela veut dire 100% Chardonnay.

3/ Vertus, 1er Cru = plus compliqué. Le classement des crus en Champagne se fait au niveau de la parcelle : telle en Grand Cru ou non. Mais c’est le village entier qui va être classé ou pas. Si 100% de ses vignes du village ont été classées Grand Cru, alors, le village peut revendiquer la mention « Grand Cru ». C’est le cas de 17 d’entre eux en Champagne. Si entre 90 et 99% du village est classé grand cru, alors le village a droit à la mention « 1er Cru ». Moralité, un 1er Cru ou même un non classé peut tout à fait être au niveau d’un Grand Cru, s’il provient des bonnes parcelles. Rien à voir, donc, avec le classement Bourguignon. Mais nous reviendrons un jour sur cette épineuse question…

4/ Non millésimé = c’est la norme en Champagne, qui est un vin d’assemblage sur différentes années. Toutefois, de plus en plus de Champagnes affichent un millésime (leur année de production), qui est perçu comme un signe qualitatif. Par exemple, toutes les grandes cuvées, Dom Pérignon, S de Salon…  sont millésimées. C’est une tendance issue du reste du monde du vin, où il est inconcevable en dehors du vin de table d’assembler les millésimes. La logique champenoise (qui a été reprise partout dans le monde en matière de pétillants) est de construire un vin qualitatif et constant, ce qui est rendu possible par le mélange des années. Le savoir faire consiste à ménager ses réserves tout en en tirant le meilleur parti… exercice difficile et pas souvent apprécié à sa juste valeur : en pratique, il est beaucoup moins compliqué de faire un vin millésimé puisque qu’on ne peut rien ajouter aux jus que l’on a déjà. En Champagne BSA (Brut Sans Année), les possibilités sont infinies. De même, nous reviendrons un jour sur cette très intéressante spécificité.

Terre de Vertus 1er Cru by Larmandier-Bernier

Ces choses débroussaillées et la parenthèse fermée, venons-en au vin lui-même. En un mot plutôt qu’en cent, excellent. Dans le détail, Terre de Vertus est un champagne très fin, très cristallin où la patte du Chardonnay, nette, ne vient pas écraser le vin. Souvent quand le chardonnay ressort, c’est de manière grasse et lourde, tel n’est pas le cas ici. A titre de comparaison, c’est une impression plus proche d’un cru de Chablis que d’un Meursault. Au nez, on a donc du vin, du vrai et du bien fait, chose qui manque trop souvent quand on aborde les champagnes. La bouche tendue reste souple avec les mêmes notes et une finale superbe. Ce vin est d’une grande délicatesse et sa mousse fine le rendent vraiment jouissif.

C’est exactement le genre de vin que je recherche. Excitant, titillant, complexe et accessible. Un vin que je pourrais ouvrir avec joie tout au long de l’année, qui porte avec lui un peu de la légèreté et du plaisir de vivre qui manquent souvent à nos journées.

Ma note : 87/100 ; 0, 0

Champagne très bien né, vineux tout en étant joyeux et léger. Un air ludique d’opéra, un air de fête et d’exaltation. En abuser d’urgence ! Ce Champagne pourra patienter quelques années dans votre cave, mais attention, le style d’un champagne évolué est très nettement différente de sa fraîcheur de jeunesse, en particulier sur un non dosé. A ne conserver qu’en connaissance de cause (d’où les parenthèses. J’apprécie par exemple rarement les champagnes évolués, sauf très très grand vin…)

Note sur le titre : NV = sans indication de millésime