1996

Noël, ses émotions et ses surprises


Noël (et Nouvel An) sont des occasions de sortie de vins un peu exceptionnels. Soit qu’ils soient de grands flacons, en compagnie les appréciant, soit qu’ils soient de petits vins si la compagnie n’aime pas. Dans tous les cas, c’est un exercice à figures imposées : les plats et les invités sont en général définis à l’avance.

Au rang des probables plats, huîtres, saumon fumé, foie gras, volaille, marrons, bûche… des mets plutôt pénibles à assortir. Quant aux vins, en France, difficile de passer outre le(s) Champagne(s), Sauternes et plus généralement Bordeaux ou autres Bourgognes. C’est l’occasion classique par excellence.

Dans mon cas, les fêtes de fin d’années se sont révélées pleines de surprises et de fraîcheur. D’abord, il ne fut pas question de Champagne (ou presque), ce qui est pour moi une grande joie, cette figure imposée privant souvent d’un autre vin plus intéressant. J’ai donc pu proposer à mes convives une vingtaine de vins dont aucun n’a réellement déçu.

Il est ressorti en tête de ces agapes :

1° Les Culs de Beaujeu Cuvée Spéciale 1996 by François Cotat, France, Sancerre

Toujours au sommet, ce vigneron domine presque systématiquement les débats, avec des vins hauts en couleur. Ce dernier ne manque pas à l’appel. Avec une pointe de sucres résiduels qui signe un style très fruité, ce vin est caractérisé par des arômes de truffe blanche exceptionnels. Il est gorgé de fruit, d’une fraîcheur exquise et d’une jeunesse insolente. C’est un futur vin exceptionnel qui demande encore au bas mot 10 ans de cave (il a passé plus de 6 heures en décanteur sans évoluer d’un cil).

Ma note : 94/100 ; 10 ++

Ürziger Würzgarten Auslese * 1997 by Weingut Karl Erbes, Allemagne, Mosel (Ürzig)

Un an plus jeune et même constat, ce vin que j’ai ouvert par deux fois, est à attendre une dizaine d’année et ne bouge pas sur quatre jours. Un breuvage délicieux est issu du Riesling, moelleux mais équilibré par une acidité superbe, fin, complet. Son nez d’ananas est relevé par des nuances terpéniques que je trouve plutôt classiques de ce terroir et élégantes pourront toutefois choquer ou déplaire aux palais qui ne les apprécient pas. La bouche très nettement ananas à l’ouverture s’enrichit de mangue, de poire et autres fruits. Pour le moment l’évolution est vraiment contenue.

Ma note : 92/100 ; 10 ++

Loupiac 1982 by Château Dauphiné Rondillon, France, Bordeaux

Cette bouteille aurait pu tenir encore plusieurs années, sans que je pense elle ne devienne franchement meilleure. Ce qui m’a particulièrement plu est sa note végétale (typique d’un vieux Sauvignon) et naturellement, l’intégration de ses sucres. C’est un vin sage, subtil. Son âge lui donne une grâce incroyable. L’émotion qu’il apporte est bien celle des vieux vins, mûrs, dont même les défauts se font accepter. Très belle expérience.

Ma note : 91/100 ; 5 0

Grüner Veltliner Spiegel Reserve 2006 by Weingut Sonnhof Jurtschitsch, Autriche, Kamptal

Ce dernier commence évolue très lentement mais développe déjà une richesse, une générosité d’arômes rare. Pourtant marqué par une acidité assez faible (caractéristique des Grüner Veltliner du millésime 2006 du domaine), ce défaut ne s’accentue pas avec le temps et l’ampleur que cela lui confère en font un vin idéal pour accompagner viandes blanches et fromages.

Ma note : 91/100 ; 5 +

Voilà donc pour ceux qui ont marqué les festivités, un peu plus que les autres. Un des traits de ces dégustations est le niveau moyen très élevé des vins, avec pour pires flacons, une Cuvée Fréderic Emile 2002 de Trimbach (Alsace, que je reverrai dans 5 ans) ou encore un Henriot Millésimé 2000 encore beaucoup trop jeune. Deux vins que je note tout de même autour de 75/100.

Les autres que je retiens et sur lesquels je reviendrais plus tard :

L’Infidèle 2007 by Mas Cal Demoura (France, Languedoc)

Cuvée Spätlese 2005 by Weingut Nekowitsch (Autriche, Burgenland)

Chardonnay 2006 by Weingut Nekowitsch (Autriche, Burgenland)

Jadis 2002 by Henri Bourgeois (France, Sancerre)

Grüner Veltliner Rosshimmel 2006 by Weingut Alois Zimmermann (Autriche, Kremstal)

Charmes-Chambertin 1998 by Domaine Arlaud (France, Bourgogne)

En conclusion de ce premier billet de la nouvelle année, je vous dirais que rien ne vaut de sortir des grandes appellations ou des grands noms, ce qui compte est de trouver un vigneron sérieux et intelligent. Parmi les vins cités, ceux qui ont fait la plus mauvaise impression sont les Bourgognes et le Champagne. En ce début d’année 2011, je vous le dis donc bien fort, des grands vins existent à tous les prix, il faut juste savoir chercher au bon endroit !

Grand Tasting : Champagne et Bordeaux


Pour continuer dans notre exploration du Grand Tasting, les deux vignobles les plus connus de France, qui pour moi ont plusieurs liens de parentés.

L’un comme l’autre ne font pas partie des vins que j’apprécie le plus car je les trouve largement surévalués par rapport à ce que l’on peut trouver ailleurs. J’irai même jusqu’à dire que si je trouve souvent en Champagne de l’émotion (récemment dans le Terre de Vertus by Larmandier-Bernier), Bordeaux y parvient plus que rarement. C’est d’ailleurs un sujet sur lequel je partagerai plus tard quelques observations. Dans une certaine mesure, Bordeaux a bien confirmé cet état de fait avec des dégustations qui laissent sur leur faim et ne permette en aucun cas d’apprécier la supposée, l’exaspérante « grandeur » du Bordeaux à maturité.

Pour commencer, CHAMPAGNE :

Henriot car c’est par là que j’ai commencé, livre une collection 2010 de très belle facture. Le Brut Souverain et le Blanc Souverain présentés donnaient une belle interprétation du champagne pur et net, en particulier le second, dont on pouvait apprécier la beauté cristalline. Le Millésimé 2002, crémeux, gras et très pur en même temps, est encore très jeune et ne présente pas la richesse que j’ai pu trouver sur le 2000 au cours de l’année passée. C’est un très beau vin qu’il faudra attendre quelques temps. La Cuvée des Enchanteleurs 1996 était quant à elle d’une jeunesse affolante (même si la date de dégorgement est à prendre en compte). Il lui faudra plusieurs années pour exprimer son potentiel. Par chance, j’ai aussi pu goûter La Cuvée des Enchanteleurs 1990 dont, cette fois, le style oxydatif s’exprimait sur la noisette, le beurre et le pain grillé, avec un joli fruit frais et des petites notes de miel. Tout en équilibre et promettant encore de belles années de vieillissement. Dans l’ensemble, donc, une bien belle dégustation. (Notes des vins : 75-92/100 ; Mention du domaine : Excellent ; Prix indicatifs : 35-100€)

Je ne ferai que mentionner Pol Roger, dont la gamme très homogène ressemble par ce trait à celle de Henriot. Le style de la maison, identifiable entre tous, est sur des champagnes d’une grande fraîcheur quoique plus crémeux que ceux de Henriot, la cuvée Winston Churchill est exemplaire. De même Charles Heidsieck donc je ne retiendrai que la cuvée Blancs des Millénaires. Je fais une parenthèse ici pour signaler mon extrême frustration de ne trouver de réellement bons champagnes (car il faut reconnaître que ceux-là sont de grands vins) que dans les cuvées prestige ou au minimum les millésimés, ce qui place un ticket d’entrée aux alentours de 50€ la bouteille et plus souvent autour de 100€. Or ces vins ne sont pas représentatif de la production champenoise… Pour clore la série d’étiquette il faudra noter que la Grande Année 2000 de Bollinger goûtait bien, un fort beau champagne (au contraire de 1999), très vineux, très gras, destiné à la consommation en repas et surtout pas apéritive.

Alors, en dehors des étiquettes, quel champagne retiendrais-je ?

Drappier, indéniablement, présentait un échantillon très excitant de sa gamme. Mis à part le millésimé 1995 lessivé car sans doute ouvert depuis trop longtemps, les autres vins étaient splendides. A commencer par Brut Nature, un champagne fascinant en blanc de noir sans dosage. A la fois vineux et extrêmement frais, c’est un vin à mon avis à conserver quelques années pour mettre en scène en cours de repas où à ouvrir maintenant sur un poisson frais ou des fruits de mers afin de dompter son acidité tranchante. Quatuor, un blanc de quatre blancs (Blanc Vrai – sorte de Pinot Blanc -, Chardonnay, Arbanne et Petit Meslier), est un exercice de style à découvrir impérativement tant sont rares les cuvées sur ces magnifiques et oubliés cépages. Le résultat est d’une grande vinosité pour un blanc de blanc, style plutôt oxydatif avec des touches de miel. Pour terminer, le garderai en mémoire l’ineffable Grande Sendrée 2004, champagne toujours aussi méditatif qui supporte mal les conditions violentes de la dégustation en salon. Conformément à mes précédentes dégustations, c’est un champagne très intellectuel, que je verrai fort bien en fin d’après midi, un dimanche soir calme, auprès d’un livre. (Notes des vins : 80-90/100 ; Mention du domaine : Excellent ; Prix indicatifs : 30-60€)

Enfin, je signale la très recommandable maison Jacquesson à la très efficace cuvée 734, que je connais bien et qui n’était pas au mieux sur le salon. C’est cependant un magnifique champagne, très accessible, et sans aucun doute une des meilleurs cuvée non millésimée (les fameux BSA qui représente 90% des champagnes et sont souvent sans intérêt). 734 dans la version actuelle est un vin très peu dosé, autour de 3,5g/l (on est très loin des 12g/l d’un Veuve Cliquot ou des 9g/l d’un Moët et Chandon), mais attention toutefois car une autre version a été au départ tirée à 6g/l, ce qui donne deux vins très différents. Le millésimé 2002 est d’une telle jeunesse qu’il est injugeable en ce moment, attendre impérativement. Enfin, Avize Grand Cru gorgement Tardif 1995 est une référence absolue en la matière, comptez pas loin de 150€ pour déguster cette merveille… (Notes des vins : 80-95/100 ; Mention du domaine : Excellent-Exceptionnel ; Prix indicatifs : 35-150€)

Passons maintenant à BORDEAUX :

Brièvement, je vous rappelle mes déceptions plus ou moins relatives avec, dans l’ordre croissant : Cos d’Estournel, Guiraud, Kirwan, Clos Haut Peyraguet. J’ajoute que sauf exception, 2007 a confirmé qu’il était un millésime médiocre. Il existe quelques bons vins mais je vous enjoins de déguster avant achat car le style des vins est très particulier quand il n’est pas raté. 2008 en revanche est un millésime qui donne de très jolis résultats, on reparlera de lui dans quelques années mais je pense que nous découvrirons de belles choses.

Château d’Issan est l’un de ceux qui m’a le plus emballé, avec en particulier un très bon 2004 à consommer dès à présent sans arrière pensée. 2008 chez eux est d’une grande qualité bien que beaucoup trop jeune. Son voisin, Château Lagrange proposait également 2004 et 2008 à la dégustation avec le même succès. Sans aucune hésitation, je vous recommande ces deux bordeaux, dont le prix est par ailleurs encore raisonnable. Le Domaine de Chevalier livre quant à lui des 2007 de très bon niveau : le rouge est beaucoup trop jeune mais ne présente aucune déviation et une bonne matière, le blanc quant à lui est un des meilleurs vins que j’ai goûté sur le salon.

Palmer, malgré la grande finesse de ses vins, notamment un 1996 entre deux, qui est en passe d’atteindre sa maturité, n’arrive pas à me faire oublier son tarif insensé. Beychevelle proposait un parallèle instructif entre 2007 et 2008. Ce sont des vins de bon niveau.

En liquoreux, Château Gilette proposait 1989 à la dégustation comme vous ne vous en doutez peut-être pas, c’est encore beaucoup trop jeune mais prometteur. Jugement à formuler dans une dizaine d’années, je pense. Climens 2007 est par contre déjà très impressionnant. Un vin magnifique, dense, complexe et doué d’une fraîcheur qui fait si souvent défaut dans la région. Très grand vin !

Il y en avait bien d’autres mais j’en reste là, je pourrais vous signaler un bon Château de Fieuzal, un correct Château L’Arrosée  ou un bon Branaire-Ducru mais je conclurais sur le fait qu’en dehors du Domaine de Chevalier Blanc 2007 et de Climens 2007, les Bordeaux livrent des vins sans grande émotion, plutôt bien fait mais souvent proches les uns des autres et finalement d’une qualité plutôt moyenne (vins notés entre 70 et 85/100).