Roussillon

Las Trabassères 2011 by Le Roc des Anges (France, Roussillon)


Producteur : Le Roc des Anges, Marjorie et Stéphane Gallet

Vin : Las Trabassères (Carignan 100%)

Millésime : 2011

Origine : France, Roussillon

Prix : 50€ (France, Domaine)

Je n’ai pas l’habitude de parler de vins épuisés et rarement de vins de cette catégorie de prix. Pourtant, il faut plier devant  l’évidence : ce vin est exceptionnel. D’abord par sa provenance, une parcelle extraordinaire, où le sol est quasi inexistant (la roche mère affleure quasiment), interdisant à la vigne et au vigneron le moindre excès, la moindre expansivité. Parcelle orienté nord-est, à flan de montagne, un classique des grands terroirs du Roussillon. Et puis l’âge des vignes particulièrement élevé, la parcelle ayant été plantée en 1913. Les rendements sont infimes (de l’ordre de 18hl/ha en 2011, c’est deux fois moins qu’un Grand Cru de Bourgogne). Enfin, nous nous trouvons sur un 100% Carignan.

Cela donne un vin au nez encore fermé, ou plutôt retenu. Il est jeune, très jeune, indéniablement. Doucement il se livre, avec une grande délicatesse mais aussi, de manière contenue, une grande puissance. C’est une montagne ensoleillée, c’est un colosse endormi. Petit à petit, on découvre l’immense complexité et la matière de ce nez. Il impressionne. En bouche, le vin est plus loquace, peut-être encore sur l’expressivité de la jeunesse. L’équilibre est incroyable : la concentration est extrême mais sans qu’elle soit pesante. Ce vin est aussi dense et profond qu’il est élégant et aérien. Il marie les contraires. Puissant et juteux. Fruité, épicé et floral… Pour le moment c’est vraiment dans sa structure qu’on découvre sa beauté mais dans quelques années, il saura déployer une palette aromatique qui aura bien peu d’équivalent, tout en préservant une délicatesse subtile. Je disais que c’était un colosse endormi, peut-être est-ce plus une Artémis endormie.

Mais hélas, comme je le signalais plus tôt, vous n’aurez pas trop à vous soucier de savoir quand elle se réveillera puisque si vous n’en êtes déjà l’heureux dépositaire, ce chef d’oeuvre ne se trouve déjà plus au domaine.

94/100 ; 5 +

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Un domaine : Le Mas Bécha version 2009 en Roussillon (France)


A moins que je n’aies la mémoire courte, il s’agit d’une première, une horizontale d’un domaine.

Aujourd’hui, il sera question du Mas Bécha. Ce domaine est la propriété de Charles Perez, il est planté à l’extrême sud de la France, en Roussillon. Il propose à ma connaissance plusieurs cuvées : 3 rouges (Classique, Barrique, Excellence) , un blanc (Excellence), un rosé (Classique) et un muscat (Classique). Détail intéressant, le packaging original a le grand mérite d’être bilingue (Français, Anglais).

On notera avant toute chose que 2009 est un millésime chaud et concentré. Le profil des vins en 2010 sera très différent et sans doute plus porté sur la fraîcheur. Mais sans plus attendre, entrons dans le vif du sujet.

Classique Rouge 2009 : la cuvée classique est une cuvée de Syrah, Grenache et Mourvèdre (grosse dominante Syrah), l’élevage se fait sans bois, en cuves. 2009 nous livre un vin puissant, riche en arômes et riche en alcool. On y retrouve la cerise noire, le poivre, quelques herbes aromatiques. L’équilibre est bon mais c’est un vin qui demandera un plat et des convives robustes pour faire face : type magret de canard au cacao ou même un dessert au chocolat. Je pense que quelques années lui permettront de digérer un peu de cette puissance mais sans nécessairement s’améliorer au niveau de l’expression du fruit. A mes yeux, c’est un vin qui gagnerait à être moins concentré et moins riche : l’effet millésime est très net. 69/100 ; 0, 0

Barrique Rouge 2009 : Même assemblage avec une pointe de Mourvèdre en plus. Le premier nez est nettement dominé par l’élevage. Vanillé, boisé doux, fruits mûrs, confiture. Tout cela est très dense, concentré dans un style qui rappelle le Nouveau Monde. L’alcool est élevé, là encore, mais bien enveloppé par le boisé. En bouche, on retrouve cette concentration, des tannins très doux et des arômes de fraise, framboise très mûres. Assurément, c’est un vin facile et explosif, très « fruit bomb », qui bénéficiera de quelques années. En attendant, il ne devrait pas vous décevoir pour des soirées improvisées. Très bon rapport qualité/prix, 74/100 ; 5 +

Elégance Rouge 2009 : Toujours le même assemblage mais indéniablement nous changeons de catégorie. Ce vin est beaucoup plus orienté terroir, au contraire des deux premiers, plus faciles, plus « obvious ». L’équilibre au nez est supérieur, plus fin, moins explosif. L’élevage est beaucoup plus intégré quoique bien présent. Le fruit est joli, frais. Nous retrouvons quand même la richesse du millésime, les tannins sont fins, la finale demande à s’affirmer. C’est un joli vin qui doit absolument vieillir, dans un style moderne et puissant. 82/100 ; 5 +

De la série de rouges, le Barrique 2009, dans un registre très « too much », retient mon attention. C’est un vin joyeux et démonstratif, peut-être pas sur la finesse mais qui veut vous dire quelque chose. Excellence attise ma curiosité quant à son évolution.

Excellence Blanc 2009 : Pour terminer la série, le blanc du domaine, 100% Grenache. C’est un vin assez déroutant. Son nez révèle une belle fraîcheur (pas de sensation d’alcool), une pointe de noisette et des fruits blanc, légers. Quelques éléments rappellent par ailleurs son élevage. En bouche, nous trouvons la puissance, grasse, le réglisse et pour le coup un alcool bien présent. Je suis dérouté car je retrouve du grenache principalement son gras et sa puissance alcoolique. Un doute sur l’évolution du vin. Toujours est-il qu’en repas, associé à une viande blanche, ce vin fonctionne tout à fait et ne marque jamais par la lourdeur, bien au contraire. Paradoxal, donc. 70/100 ; 0 0 (?)

Dans l’ensemble, c’est une jolie collection. Les vins sont modernes, tout à fait adaptés aux palais recherchant la puissance et l’évidence aromatique. Compte tenu du millésime, peu favorable dans le sud car très chaud (et oui, 2009 me semble un millésime faible en dehors, en rouge, du Bordelais, de la Bourgogne et du Beaujolais ou des liquoreux), les vins sont intéressants. Je pense que pour ceux qui cherchent des choses plus souples, le millésime 2010 devrait donner satisfaction, avec des vins sans doute moins marqués par l’alcool. Gardez aussi à l’esprit que l’élevage est ici bien présent.

Pour visiter le site du domaine, voir ICI

Excellence 2009 by Mas Bécha (France, Côtes du Roussillon)

Coups de Coeur de l’été : Vertigo 2008 by La nouvelle Don(n)e (France, Roussillon)


A quoi reconnaissons-nous un grand vin ? à sa structure, à sa profondeur, à sa longueur (au nez et en bouche), à sa complexité aromatique, à son équilibre… mais nous pouvons aussi empiriquement le reconnaître par le souvenir qu’il laisse, ou par son éclatante présence en dégustation face à d’autres grands, identifiés comme tels.

Vertigo 2008 est la grande cuvée rouge de Wilfried Valat, du domaine de la nouvelle Don(n)e, dont nous avons déjà parlé ici. C’est un vin à large dominante Carignan, assemblé de Mourvèdre. L’élevage est fait avec précision en demi-muids (à peu près deux fois la taille d’une barrique bordelaise, soit 600 litres, cela permet d’abaisser le rapport surface de bois/vin, donc son influence aromatique) sur des chauffes moyennes (id est, des bois qui ne donneront pas de goût toasté trop puissant). Le résultat visé étant à proprement parler un élevage, à l’opposé d’une sorte de maquillage que peut conférer un usage excessif du bois (cf. Mouton Rothschild 2006 ;)).

Imaginez le sud de la France. Le soleil, le thym, les pins, les parfums soutenues, floraux, brûlants. Le ciel bleu éclatant et la lumière, douce et puissante. Les ombres sur les pierres rougies, on dirait, par le soleil alors qu’il ne révèle que leur richesse métallique, ferreuse. Imaginez un grand vin qui serait né sur ces terres. Il devrait incarner cette générosité, cette brillance du sud, un peu comme les peintres ont su le faire. Un grand Cézanne : c’est-à-dire la couleur pure mais l’équilibre aussi. Les esprits chagrins me diront que Cézanne, ce n’est pas le Roussillon mais la Provence… l’idée est là, quand même.

Paul Cézanne, la Montagne St Victoire vue de Gardanne

Ce vin idéel paraît tellement évident. Il est pourtant rare. La difficulté est immense à marier la chaleur et le soleil à la finesse et l’élégance. Générosité et expressivité riment souvent avec puissance (alcoolique) et lourdeur. Les fruits grillés, cuits, desséchés donnent des vins confiturés ou pâteux. Ou au contraire, la recherche de la fraîcheur se fait au dépends de la maturité. Mais quand nous rencontrons l’équilibre parfait, alors l’extase est complète.

Vertigo 2008 est de cette rare espèce. Il est tout à la fois : le soleil de midi et la fraîcheur de l’aurore, la roche pure et la garrigue parfumée, la joie communicative et la contemplation intime. Le nez vous emporte par son fruit délicat et intense, souligné, enveloppé, sublimé par les arômes de torréfactions subtils de terroir mêlé d’élevage. Il est profond et complexe : c’est une nuit d’été au col de la Done, mystérieuse, douce et parfumée. En bouche, il est tout en structure, d’une matière magnifique. Le fruit est puissant, lumineux mais la fraîcheur et la minéralité équilibrent parfaitement la richesse. Ce vin est une évidence, absolument élégant. Il respire, il vit… un instant magique.

Wineops : 94/100 ; 5 , +

Voilà un vin exceptionnel, magnifique autant que magique, remarquable. Vous apprécierez particulièrement cette synthèse impossible entre un profil méridional et un équilibre septentrional. Vertigo 2008 est particulièrement ouvert en ce moment mais sera sans doute encore supérieur dans deux ans.

Vertigo 2008 by Wilfried Valat, La nouvelle Don(n)e

Mustango 2009 by La Nouvelle Don(n)e (France, Roussillon)


La Nouvelle Don(n)e a été fondé par Wilfried Valat, un oenologue qui fit ses classes en Bourgogne (mais aussi à Bordeaux). C’est un domaine juché sur le col de la Done, comme son nom l’indique, et dont l’objectif a été de mettre en pratique sa vision des terroir de l’Agly. Pour plus de détail, je vous réfère au site qui donne une image très juste des vins et du style.

Ce que j’ai vu dans ses vins, c’est effectivement une approche neuve et fraîche de ces terroirs. C’est aussi une vision intelligente, qui sait appliquer une précision bourguignonne à ses vins. Il ne semble pas d’ailleurs absurde de retrouver un sorte de « style » rappelant cette région dans Mustango. La dégustation en parallèle d’autres Grenache Gris-Maccabeu de la région est éloquente en la matière (par exemple Naïck 009 de l’Oustal Blanc ou l’Effrontée du Domaine de Vénus).

Mustango 2009 c’est un vin assez unique avec un Grenache (gris ou blanc) à 40%, épaulé de Carignan Blanc à 40% et de Maccabeu à 20%. Ce vin dans sa version 2010 est par contre un 100% Grenache. Il est encore jeune et un peu fermé et se comporte mieux après un carafage d’environ une heure. A l’ouverture, le nez est discret, légèrement grillé et épicé. L’aération va libérer les arômes que l’on attend d’un Grenache : riche, sur le fruit blanc et la fleur et une touche empyreumatique. En bouche, c’est d’abord la structure et la minéralité du vin qui marque. Une vraie minéralité, pas une simple fraicheur. La longueur est superbe et s’étire sur plusieurs secondes. Avec l’oxygénation, le vin perd un tout petit peu en élégance mais gagne en gras, c’est l’effet d’une oxygénation rapide, un peu forcée, que l’on obtient en carafant.

Aucune crainte quant à l’évolution, le vin ne présente aucune trace d’oxydation et sa fermeture aromatique laisse penser qu’il s’exprimera mieux dans un an ou deux, on devrait alors se trouver devant un vin avec l’ouverture aromatique d’une heure de carafe mais sans les défauts. Il est assurément taillé pour s’exprimer au mieux entre 3 et 7 ans à compter de sa date de naissance.

En somme, une bouteille magnifique que je ne peux m’empêcher de rapprocher d’un vin septentrional pour son équilibre, un peu à la façon d’un Chablis GC. Aucun excès de maturité, de gras, d’alcool, c’est un vin limpide, facile et élégant. Très loin de bombes (qui sont très bonnes aussi) que peut parfois livrer le Roussillon, il donne une interprétation pertinente et qualitative de ce terroir. Pour ceux qui connaîtraient d’autre vins à dominante de Grenache, comme l’Effrontée du Domaine de Vénus ou Vieilles Vignes blanc du Clos des Fées, nous sommes ici sur un style diamétralement opposé, beaucoup moins opulent, beaucoup moins élevé. Produit à hauteur de 900 bouteilles par an, il n’y en aura pas pour tout le monde !

La note Wineops : 86/100 ; 5 +