Bouchon

Le mensonge de la capsule à vis.


En décembre dernier, au hasard d’un salon que tout le monde reconnaîtra, je suis passé déguster les vins d’un certain domaine de Loire. Je n’aurais aucun scrupule à le nommer car ces produits sont d’une qualité irréprochable et parmi les meilleurs de son appellation, mais ce nom n’a pas d’intérêt dans ce qui est une illustration d’une idée très répandue.

Ce jour là, j’ai été profondément agacé par le discours militant de la maison sur leur choix de bouchage, à savoir la capsule à vis. Le vigneron va jusqu’à dire, que ne pas utiliser ce système revient à commettre une faute professionnelle (ce sont ses propres termes). Une autre personne sur le stand affirmait que cette méthode assure de n’avoir aucun défaut de bouchon. Or ceci est rigoureusement faux.

La capsule à vis évite 80% des contaminations au TCA, c’est vrai. Je rappelle que le TCA (et apparentés) est la molécule qui donne le fameux goût de bouchon. Le bouchon en est le principal vecteur, mais elle peut aussi provenir d’une contamination de la cave, des cuves ou des fûts… etc… La capsule n’étant pas traitée ni produite de la même façon, on a l’assurance de ne pas être contaminé par cette voie. Peut-on alors dire que c’est un bouchage parfait ? de ce point de vue, oui. Sauf que ce n’est pas le seul.

Il existe en particulier un problème, un défaut, lié spécifiquement à la capsule à vis, qui est celui d’une réduction plus ou moins prononcée du vin. La réduction est l’effet de la privation totale d’air et plus spécifiquement d’oxygène sur le vin. Normalement, une réduction disparaît avec l’oxygénation ou avec le vieillissement en bouteille. Le cas type est celui des Syrahs du Rhône septentrional.

Quand le défaut se présente dans un vin sous vis, le résultat peut être dramatique. Au pire on arrive à des odeurs d’oignon ou de choux-fleur qui sont en général rédhibitoires (impossible de corriger par l’aération) ou des odeur de mercaptan « moins » définitives. Nous nous trouvons alors dans le registre de l’oeuf pourri ou du poisson de vase, boîte de conserve… Cette semaine, j’ai croisé un Pinot Noir dans cet état, il a eu besoin de trois jours d’ouverture à mi-bouteille pour se libérer de cette réduction (sans compter qu’il avait été ouvert deux heures, shaké…). Autant dire que le défaut est lourd de conséquences.

Vous pourrez alors objecter que sa fréquence est moindre que celle du goût de bouchon. C’était sans doute vrai au pic des contaminations, dans les années 1990. Sur mon expérience personnelle, l’an dernier, j’ai eu une fréquence environ trois fois plus élevée de défaut de capsule à vis que de bouchon. Mon cas n’ayant pas de valeur statistique (échantillon non représentatif…), je m’en tiendrais à dire que le taux de défaut n’est pas inférieur à celui du bouchon liège, par contre, il est certain que certains vins y sont plus sensibles que d’autres.

Nous en venons donc à la conclusion qui est celle du bon sens : il n’y a pas de solution idéale. Tout les systèmes ont leurs avantages et leur défauts. Dire que la capsule à vis assure de ne pas avoir de défaut induit par le bouchon est au mieux le fruit d’une incompréhension et au pire un mensonge.

Histoire de bouchon – part 2 (Attention, polémique !)


Y a-t-il de mauvais bouchons ?

On peut répondre à cette question de deux façons.

-> Oui, il y a de mauvais bouchons, c’est-à-dire qui ne remplissent pas leur office de préservation du vin.

-> Ou plus pondéré : tout dépend de ce qui est recherché au bouchage et du type de vin concerné. N’oubliez pas d’ailleurs que quel que soit la virulence de mon propos, la vérité est évidement là. Pour du Beaujolais Nouveau standard (exemple volontairement vicieux) ou 90% des rosés, le bouchon synthétique est approprié. Une consommation rapide (instantanée puisque le BN c’est moins d’un mois et le rosé, disons 6 mois en bouteille) ne nécessite absolument pas un bouchage haut de gamme ou hermétique puisque sur cette durée, ce qui comptera c’est l’oxygène qui est entré à la mise (donc c’est plutôt le procédé de mise, sous azote par exemple, qui comptera).

Ceci étant, si on exclut les mauvais vins, choses qui de toute façon ne nous intéressent pas, alors on peut difficilement défendre les bouchons bas de gamme. Même pour un petit vin destiné à la consommation dans l’année comme un rosé ou comme le Lou Maset by Domaine d’Aupilhac, avoir un bouchon correct permet de consommer le vin tout de même pendant plusieurs années.

Donc, au contraire du politiquement correct très en vogue et du relativisme si cher à notre siècle, j’opte pour la première version de la réponse : il y a des bouchons à éviter absolument.

Premier type, la lie de la lie : le synthétique.

Le bouchon synthétique, notamment du fait d’une élasticité insuffisante et d’une trop grande régularité, est une option catastrophique. Par rapport à un mauvais liège (liège premier prix), la différence est déjà sensible. Ce que vous pouvez constater, c’est que les vins bouchés synthétiques sont morts au bout de 3-4 ans. Autrement dit, le bouchage vous permettra de conserver 2 ans votre vin. Quelques paramètres modifient l’échéance : les rouges corsés et/ou bétonnés (grosse dose de souffre à la mise, énorme matière tannique…) tiennent le traitement plus longtemps (j’ai UN cas en cave : la Segreta Rosso by Planeta, un vin de Sicile).

Mon expérience personnelle m’a montré que les bouchons avec mousse apparente sont les pires (les plus communs aussi).

Mon choix : je n’achète aucun vin bouché en synthétique, sauf si je suis ABSOLUMENT certain de les consommer dans les 2 ans. C’est-à-dire à ce jour un seul domaine (et malgré tout, je condamne fermement leur choix).

Rien ne sert de prendre le risque et n’hésitez pas à signaler au domaine que vous n’avez pas confiance dans ce système. En plus, comme je vous le signalais dans le premier opus, ces bouchons sont une horreur écologique (pis encore ceux qui sont composites)… vous avez donc tout intérêt à ne pas promouvoir leur développement.

Second type, très répandu et énervant : le liège premier prix.

Difficile à identifier de prime abord, ce bouche pourri, s’il en est, est relativement commun en France. En toute logique, il bouche les entrées de gamme, mais j’ai récemment eu ce type de bouchon sur une cuvée un peu plus « prestige » d’un bon domaine.

Le risque de ce type de bouchon, outre l’oxydation prématurée (phénomène de toute façon moins marqué que sur les synthétiques), ce sont les contamination/déviations aromatiques et les problèmes de coulure. Une bouteille qui coule, c’est une bouteille qui a eu trop chaud (ou qu’il a subit des changement de pression comme dans un avion), le vin est monté en pression et a traversé le bouchon. En général, c’est rédhibitoire, sauf si le vin est consommé sans être conservé… et encore. Ce problème est plus commun sur ce type de bouchon, plus court et souvent taillé dans un liège plus poreux (les imperfections du liège peuvent aller jusqu’à traverser l’intégralité du bouchon dans la longueur… ce qui mécaniquement augmente le risque de problème). Ensuite, on a tous les défauts consistant en des déviations aromatiques, au rang desquelles le fameux goût de bouchon, produit par des contaminations au Chlore ou au TCA. Un nouveau procédé de traitement de ces bouchons supprimant le risque de TCA semble d’ailleurs produire d’autres déviations catastrophiques.

Comment faire avec ce type de bouchon ? difficile… surtout que certains s’en sortent bien (je n’ai jamais eu aucun problème sur les vins du domaine Nekowitsch, tous bouchés avec ces petites crottes). Vous comprendrez donc qu’en réalité, c’est la variabilité de résultat, son côté aléatoire et imprévisible qui est le plus agaçant.

Voilà donc pour aujourd’hui et les mauvais bouchons, ceux qu’il ne faut pas hésiter (même si ce n’est pas toujours facile) à dénoncer auprès de vos fournisseurs et vignerons chéris (gentiment :)). Après tout, il existe des solutions économiques comme le liège technique qui donnent de bien meilleurs résultats (des résultats stables et reproductibles). De toute façon, si le consommateur ne se plaint pas, les choses ne bougeront pas. La preuve : suite au « boycott » des bouchons lièges en général à la suite de la hausse de la fréquence de contamination au TCA autour des années 1990, l’industrie a fait de gros efforts qui ont permis de réduire drastiquement ce risque (en tout cas, sur le haut de gamme).

D’ici à demain, je vous souhaite donc bonne dégustation !

NB : De nombreuses études sont disponibles au sujet du bouchage. Vous ne pouvez pas savoir comme j’en ai marre de tomber sur des bouteilles foutues à cause d’un bouchon inapproprié… d’où le « coup de gueule » du jour !

Histoire de bouchon – part 1


Je ne sais pas combien de « part » cet article aura, mais très certainement beaucoup. C’est une question centrale du monde du vin depuis une grosse dizaine d’année avec l’arrivée le retour du bouchon à vis et plus généralement des systèmes de bouchage autres que le traditionnel liège.

Ce premier billet vise à vous donner quelques éléments factuels sur cette question. Au fur et à mesure de mes expériences, je compléterai le sujet. Si vous avez lu les précédents billets, celui sur le vin de Fritz Haag donne déjà à ce propos quelques éléments.

Posons le décor. Nous avons à l’heure actuelle plusieurs types de bouchon. Je ne serai pas exhaustif mais en voici les différents genres. On a donc quatre grandes familles de bouchon en fonction de leur matière.

1- lièges

2- synthétiques

3- aluminium

4- verre

Les plus répandus sont les bouchons lièges et les bouchons à vis en aluminium. Je pense qu’à ce stade, on peut déjà et une bonne fois pour toute évoquer la question écologique. Contrairement à ce que certains de mes congénères nordiques pensent (expérience vécue), le bouchon en liège n’est pas obtenu en coupant des arbres mais en les « élevant » et en prélevant leur écorce régulièrement. De manière évidente, les bouchons en liège sont particulièrement écologiques. Non seulement ils ne coûtent que peu d’énergie et d’intrant dans leur production (ils ne polluent que lors de leur transport), mais de surcroît, la forêt dont ils sont extrait contribue à améliorer la qualité de notre environnement (sauf quand elle brûle… ce qui est arrivé il n’y a pas si longtemps au Portugal et en Grèce). Leur bilan carbone est donc excellent, mais pas seulement ce dernier. La consommation d’eau, l’ensemble des produits utilisés est moindre que pour les autres matières. Quant à la fin de vie, étant 100% bois, ils sont 100% biodégradables (c’est un tout petit peu moins vrai que les bouchons en liège dit « technique »). Selon ces mêmes critères environnementaux les pires sont les bouchons en… aluminium. Naturellement, la production d’aluminium nécessitant une débauche d’énergie et d’eau, il ne pourrait en aller autrement (et même si souvent l’électricité en question est d’origine hydraulique, il ne faut pas oublier qu’un barrage est l’une des pires monstruosités écologiques qui soit). En revanche, l’aluminium se recycle bien. Les bouchons synthétiques ne sont pas loin derrière, produits plastiques, ils sont naturellement peu « environmentally friendly ». Quant au verre, son bilan est aussi plutôt bon, car recyclable et requérant moins d’énergie que l’aluminum.

Pour faire simple, le liège est de TRES TRES  loin moins polluant que les autres systèmes – c’est un peu moins vrai pour le liège « technique ». Voilà un point, donc, de clos. Pour les curieux, plusieurs études ont été publiées sur la question, elles sont faciles à trouver. Je ne mets pas de lien car c’est tellement évident et documenté dans d’autres domaines que la chose n’est pas discutable sur le fonds (on ne peut que discuter de la précision des chiffres). D’ailleurs, je ne vous cache pas que c’est le nouveau cheval de bataille de cette industrie, après l’échec dans la bataille de la qualité et de l’efficacité. Echec prévisible pour la raison simple que la qualité dépend de l’objectif visé et du type de produit embouteillé.

De haut en bas, par ligne : liège pur, liège technique, synthétique, capsule à vis, verre.

Alors le goût de bouchon, victoire par KO des bouchons « alternatifs » ? (puisque c’est la première chose qui vient à l’esprit quand on parle de bouchon)…

Pas tout à fait… Les problèmes du liège sont intrinsèques à toute position de monopole : quand on est seul sur un marché, on se pose nécessairement moins de question et la qualité finit par baisser, les prix par augmenter… etc. jusqu’à ce qu’un concurrent arrive en donnant une solution plus efficace. Dans ce cas, les préjudices peuvent être lourds pour l’industrie dominante. C’est ce qui est arrivé aux producteurs de liège. En position de monopole sur le bouchage du vin, ils ont commencé à négliger leurs processus de production. Le résultat, des bouchons contaminés au chlore puis TCA (c’est de là que vient de « goût de bouchon »), des bouchons de qualité hermétique et neutralité olfactive trop variables… qui a entraîné un nombre croissant de défauts dans le vin. On a pu constater empiriquement autour de 5% de vins défectueux, ce qui est un chiffre absolument énorme quand on considère que tous les types de vins étaient touchés.

L’arrivée d’autres systèmes de bouchage, introduit par la voie de vins « neufs », ceux du Nouveau Monde (destinés au départ aux marchés anglo-saxons très pragmatiques et aux marchés scandinaves sans préjugé et, au sens littéral, incultes), a changé la donne. Il a été mis clairement en évidence que les bouchons lièges étaient de qualité déplorable. C’était indéniable et salutaire. Le coup a été dur et l’industrie du liège peine à s’en remettre. Mais il faut être juste et par exemple, le fameux goût de bouchon n’est pas dû au liège mais à une contamination au chlore. Cette contamination était, il est vrai, essentiellement due au bouchon, mal traité, mais un processus de production correctement suivi et rigoureux élimine ce risque. J’ai dit « essentiellement » car la contamination peut avoir lieu de bien d’autre façon, comme au cours du nettoyage de la cuverie par exemple. Oui, un vin bouché en synthétique, en aluminium ou en verre peut avoir un goût de bouchon !

Donc sortons de cette fausse problématique du goût de bouchon et posons plutôt cette question : quels sont les avantages et inconvénient des différents bouchons ? Et ce sera l’objet des prochains billets.

Pour finir, je vais revenir sur les type de bouchons dans le détail :

1- Les lièges :

– liège pur. Il existe au sein de cette catégorie différentes qualité de liège, différentes longueur… ce qui compte est l’herméticité et la neutralité. En liège pur, on va du pire au meilleur.

– liège technique. Ce sont des bouchons en poussière de liège agrée et compressée. Là encore bien des différents degré de qualité. Le bouchon de champagne est de ce type, les bouchons DIAM® en sont également.

2- Les synthétiques :

– les synthétique injectés. Ils sont tout lisses. Utilisés notamment en Italie.

– les synthétique extrudés. Très communs, ce sont ceux dont on voit la mousse sur le dessus, enrobée d’une gaine lisse et dure.

– les mixtes. C’est un extrudé entièrement gainé. Il ressemble d’extérieur à l’injecté.

– les composites. Structure plus complexe que les autres. Avantages à démontrer… un seul intervenant sur le marché, italien.

3- L’aluminium :

– la capsule. Type bière, rare, mais utilisée sur certains pétillants et en champagne de manière temporaire (quand le vin est sur lattes)

– la capsule à vis. Il y en a différent type mais la différence est souvent purement esthétique. L’avenir est à un bouchon à perméabilité contrôlée… mais c’est loin d’être gagné (la perméabilité d’un bouchon liège haut de gamme par exemple, n’est pas linéaire, ce qui complique la mise au point d’un équivalent).

4- Le verre

– Un seul type, une capsule en verre avec un joint silicone. De même que pour le composite, un seul fournisseur le propose.

Après ce bien long billet, je pense qu’il faut respirer et nous reprendrons les débats. Bonne soirée cher lecteur.