Riesling

Verticale 2009-1990 : Ürziger Würzgarten Auslese by Weingut Karl Erbes


A l’occasion de mon billet sur les fêtes de Noël, je vous ai déjà parlé de ce domaine, qui se trouve en Mittelmosel, à Ürzig. Le domaine Karl Erbes (en allemand : Riesling-Weingut Karl Erbes), est une propriété familiale de 4ha fondée en 1967. Il est planté exclusivement de Riesling et la majorité de ses parcelles se trouvent sur le célèbre Ürziger Würzgarten. Le reste se trouve sur le Erdener Treppchen, que je constate un petit peu en dessous du ÜW.

Il y a quelques semaines, j’ai organisé une verticale du domaine, dont je vous livre ici les impressions. Tous ces vins sont des Auslese, des sélections qui correspondent à de  la vendange en surmaturité, où une partie des raisins est atteint de botrytis. Les taux de sucre résiduels sont compris entre 80 et 120g/l, on a donc affaire à des vins moelleux, mais du fait de l’acidité et de leur âge, l’équilibre n’est pas celui qu’on attendrait. Les 1990 goûtent par exemple plus demi-sec que réellement moelleux. Les étoiles, enfin, pratique très répandue en Mosel visaient ici à déterminer une qualité subjective croissante de l’Auslese, de * à ***. Depuis que Stefan Erbes est à la tête du domaine, la méthode a changé et les étoiles correspondent au pourcentage de raisin botrytisé. Plus il y a d’étoiles, plus le vin sera donc sucré et caractérisé par le botrytis, sans préjuger de la qualité relative des vins.

1- Ürziger Wurzgarten Auslese 2009

Millésime exceptionnel, c’est une évidence dans le verre. Le nez s’est déjà refermé, discret, mais donnant quand même de jolies notes de fruits, de fruits exotiques. En bouche la structure du vin est magnifique. Douce, délicate et profonde. Le sucre est bien présent, pas du tout fondu. Belle longueur. C’est un vin magnifique, très pur, maintenant, il faudra la patience de l’attendre une dizaine d’années… (ou vingt, plus sûrement) 77/100 ; 15 ++++

2- Ürziger Wurzgarten Auslese* 2003

Plus ouvert, sans doute à attendre encore quelques années. Il est très clairement marqué, pour mon nez, par les arômes terpéniques (pétrole), sans que ce soit négatif. Le fruit exotique est là, en bouche aussi avec une belle finale sur les amers, type airelle. C’est un joli vin, assez atypique, que j’aime, sans plus. 78/100 ; 5 +

3- Ürziger Wurzgarten Auslese** 2000

L’évolution est nette (peut-être un effet bouteille ?) avec une couleur d’un beau doré. C’est aussi le premier où le botrytis est aussi évident. Au nez, ce sont les épices, le miel, la mangue, le coing ou encore l’abricot sec. La bouche est plus fine qu’attendue, le sucre fondu bien qu’encore bien présent cache son jeu (il est ressenti largement en dessous de 2009 alors qu’il est au même niveau). C’est un beau vin, sans doute pas tout à fait à maturité mais déjà bien ouvert et très joli. 87/100 ; 5 +

4- Ürziger Wurzgarten Auslese* 1997

La magie des grands millésime s’opère… au plan de l’évolution. La couleur est proche du 2009, comme si le vin n’avait pas bougé. Il est d’ailleurs aromatiquement encre très fermé. Plus appréciable que 2009, il n’en reste pas moins à l’aube de sa vie. Le plus marquant dans ce vin, c’est sa longueur, pure et formidable, interminable. Magnifique mais parti pour 10 ans de plus… 84/100 ; 10 +++

5- Ürziger Wurzgarten Auslese** 1994

Plus ouvert que 1997, également très clair, nous remarquons avec les vins qui viennent (1997-1994-1990), un trait habituel des grands vins allemands (et des grands liquoreux en général). Les sucres se fondent et l’équilibre du vin se déplace. Autant sur 2009-2000, nous goûtions des vins plutôt axé foie gras-fromage-dessert, autant nous repassons ici dans des équilibres qui s’adapteront à une plus large gamme de plats, apéritif inclus. Ce 1994 est même, je trouve, supérieur après aération. Il est floral au nez avec juste ce qu’il faut d’évolution pétrolée, pour apporter en complexité. En bouche nous noterons la touche pâte d’amande, sublime et une longueur magnifique et fraîche. C’est plus accessible que 1997, mais ça n’est certainement pas en bout de course. 85/100 ; 10 ++

6- Ürziger Wurzgarten Auslese 1990

Le dernier de la série. D’un jaune très légèrement doré, il est vraiment clair. Ce vin ne trahit pas ses 20 ans passés et il sera même meilleur le deuxième jour. Plus encore que les autres, il est sur des dominantes florales. La maturité du vin est plus évidente au nez. En bouche, les sucres changent à peine l’équilibre. Le vin montre une très belle matière et une finale longue, d’une grande fraîcheur. C’est un vin mûr (au sens où il est prêt à boire) mais juste au début de son apogée. 90/100 ; 5 +

Voilà quel fut le contenu de cette verticale. Toutefois, je ne résiste pas à l’envie d’adjoindre les notes correspondant à deux autres Auslese du même domaine, dégustés respectivement une semaine avant et le lendemain.

7- Ürziger Würzgarten Auslese*** 1995

De toute la série d’Auslese, c’est le seul dont on puisse dire qu’il est ouvert. Et il est absolument grandiose. Le nez est une explosion de fruit : mangue, ananas, mandarine, orange. Puis viennent des notes florales avec de la rose, de la lavande, soulignée par de l’amande (pâte d’amande). La bouche est structurée tout en restant délicate. Le fruit domine encore mais c’est la finale qui impressionne : fraîche, minérale. Le vin ne laisse pas de sucre en bouche. Absolument magnifique. 95/100 , 5 +

8- Ürziger Würzgarten Auslese*** 1999

Couleur jaune paille, le nez pétrole un tout petit peu mais est dominé par le fruit exotique et l’ananas. En bouche, la matière est impressionnante et c’est très, très, très long. Enormément de fraîcheur. Un vin de haut niveau mais encore beaucoup trop jeune ! 87/100 ; 10 ++

A travers cette petite verticale, on découvre des vins très homogènes et, sans aucun doute, la marque d’un terroir d’exception. Il apparaît alors une autre caractéristique de ces grands vins allemands, leur cycle de vie. Les Auslese passent pas une phase de fermeture de plus ou moins 10-15 ans durant laquelle leur fruit va être complètement occulté par l’acidité. C’est exactement ce qui nous est apparu sur la plupart des vins, où même les vins des années 1990 ont besoin de temps pour retrouver leur expression. Quand cette ouverture aromatique revient, c’est alors l’émotion absolue, celle que nous avons eu sur 1995.

Quick review: Haart to Heart 2009 by Weingut Reinhold Haart (Allemagne, Mosel)


Aujourd’hui, nous parlons de Reinhold Haart (encore), de son vin Haart to Heart 2009.

Qu’est-ce que c’est ?

Haart to Heart, c’est la cuvée la plus simple du domaine, la cuvée pour tout les jours, le vin qu’on n’attend pas, qu’on peut servir n’importe où. Ou encore, c’est l’entrée de gamme du domaine. Un vin simple, pas cher mais qui ne nous laisse pas sur notre faim.

Déjà bien ouvert au nez et en bouche, il se présente franc, net, tranchant et en même temps légèrement enveloppé par une fine sucrosité (sucres résiduels ressentis autour de 5-6g/l, probablement un taux réel proche de 30g/l). Le fruit est acidulé, ananas, citron. Une touche de pétrole vient épicer l’ensemble. La structure est bonne mais beaucoup moins marquée que dans le Piesporter Riesling Trocken 2009. La longueur est correcte. C’est un vin immédiat, souple, facile.

Ayant encore en mémoire ce dernier, d’ailleurs, la comparaison est facile. Le Piesporter Riesling Trocken 2009 a une puissance, une pureté supérieure au Haart to Heart du même millésime. Les sucres résiduels jouent mais c’est surtout la typologie de produit qui change. On sent dans Haart th Heart 2009 que l’on a affaire à un vin construit pour le consommateur. C’est un vin prêt, accessible pour le néophyte, sans doute tout à fait adapté au marché américain par exemple. On y sent moins de terroir, moins de caractère mais justement, ce côté très intellectuel du Piesporter Riesling Trocken 2009 ne manquerait pas de lui faire rater le coeur de beaucoup de consommateur. De ce point de vue, il est clair que ce Haart to Heart est une réussite, chose qui d’ailleurs apparaissait clairement lors de la dégustation au domaine. Chapeau bas à la famille Haart !

La note Wineops : 72/100 ; 0 0

Un bon vin, souple, délicatement aromatique. A consommer en toutes circonstances.

Bernkasteler Badstube Kabinett 2007 by Wwe. Dr. H. Thanisch – Erben Thanisch


Ce vin est monumental.

Mais d’abord, un peu d’explication et de traduction. En Allemagne, la classification des grands vins se fait selon le degré de maturité des raisins, ce système se nomme dans le texte Qualitätwein mit Prädikat (littéralement vin de qualité avec prédicat). Kabinett est le nom du premier degré de « Prädikat » selon la classification allemande des vins. Ce sont des vins récoltés à maturité plutôt normale, pour des vins montant 12-13° d’alcool potentiel mais qui, étant vinifié à 8,5% d’alcool, affichent autour de 60 g/l de sucre résiduel dans le vin fini.

Compte tenu de l’acidité particulièrement vive des rieslings issus de ces magnifique terroirs, les sucres sont très bien équilibrés. C’est d’ailleurs la caractéristique des vins de la Mosel allemande. En bouche, ils ont généralement un toucher légèrement sucré mais se présentent et s’accordent comme des vins secs (idéal pour les sashimi ou les tartares par exemple).

Maintenant, du point de vue terroir. Officiellement, ils ne sont pas classés comme en France, mais des associations indépendante et la notoriété historique des lieux les ont malgré tout isolés. le Bernkasteler Badstube est un des lieux-dits de Bernkastel, un des plus fameux villages en Mosel moyenne. En Bourgogne, il se trouverait entre un premier cru et un grand cru, peut-être comme le Clos-Saint-Jacques à Gevrey ou les Amoureuses à Chambole. Wwe. Dr. H. Thanisch – Erben Thanisch (en l’occurrence, Sofia Thanisch) en est l’un des meilleurs producteurs.

Ce Bernkasteler Badstube 2007 est encore jeune et supporterait quelques années de cave mais il est déjà sublime. Un très grand vin. Le nez est d’une finesse superlative. Le fruit, délicat, commence à s’exprimer mais c’est une sensation de pierre à fusil qui domine, ce vin sent réellement son terroir, ce sol d’ardoise. En bouche, le fruit exotique se marie au fruit blanc, un peu de fleur aussi et toujours quelque chose d’extrêmement minéral. Mais c’est sa longueur qui est le plus surprenant. Grande, épanouie, salivante et fraîche. Elle s’étire sur plusieurs dizaines de secondes. Vraiment une magnifique bouteille, rare, qui procure une émotion immense. Parfait exemple pour approcher ces magnifiques vins de Mosel.

Elle me fait penser à l’écriture de Camus, sophistiquée car d’une limpidité absolue, d’une simplicité exquise.

Ma note : 90/100 ; 5 +

Un vin superbe, dont je ne peux que recommander la dégustation. A accorder avec les poissons et viandes fumés, des poissons et viandes crus ou cuits « bleu ». Ou bien pour lui-même.


Grand Tasting 2010 : Alsace


Après les deux préambules d’hier et avant-hier, je me lance maintenant dans un compte rendu de l’ensemble du salon, l’ensemble des vins intéressants et moins intéressants que j’ai pu y goûter.

Côté synthèse, je dirais que le Grand Tasting est un salon qui commence à bien marcher. L’espace est enfin suffisant, les verres sont bons, les rince-verres pratiques… que manque-t-il ? Un carnet de dégustation mieux organisé (c’est bien, l’ordre alphabétique, par exemple, le VRAI ordre alphabétique), avec un rappel de la page à côté du numéro de stand. Disperser les vignerons sans logique est par ailleurs certes positif pour que les visiteurs ne se limitent pas à des thématiques mais je m’interroge sur la réelle pertinence de la chose : on passe son temps à marcher, chercher… corrélativement, je pense qu’il ne serait pas du luxe de disposer quelques chaises le long des murs car l’absence totale d’endroits pour s’asseoir est très fatigant quand on passe sa journée à piétiner d’un stand à l’autre. Finalement, la prise-dépose des verres est un peu pénible. En somme, le salon est presque irréprochable.

Passons aux dégustations. Je procéderai par ordre de région. Alsace pour commencer.

L’Alsace était plutôt peu représentée. Sept producteurs dont deux coopératives (de bonne niveau). Cependant, la qualité était élevée. Je retiendrai trois producteurs, dans trois styles très différents. Marcel Deiss, Agathe Bursin et Mélanie Pfister.

Bien qu’il était difficile de s’approcher (à part le matin), du stand de Marcel Deiss, il organisait une présentation rodée et pédagogique de cinq de ses vins. Extrêmement instructif et efficace. Les vins par ailleurs étaient superbes, très alsaciens sans être typés par les cépages. La démarche de M Deiss, que je vous invite à découvrir sur son site internet, consiste à travailler l’expression des terroirs sur la base de la complantation (et non du cépage). En outre, il cherche à identifier les 1er Crus, confirmer les Grands Crus et à rendre plus rigoureuse la réalisation des vendanges tardives en définissant par exemple des terroirs apte à produire ce type de vin plutôt que de réaliser une sélection finalement sans personnalité sur l’ensemble du vignoble. Quid des vins ? Ils sont puissants, fins et complexes, assurément au sommet de ce que l’on peut trouver en France. Ils sont destinés à la garde (à l’exception des entrées de gamme) et il leur faudra au minimum cinq à dix ans pour bien s’exprimer. Style de vin comportant du sucre résiduel mais extrêmement bien intégré. Le Grand Cru Altenberg de Bergheim 2005 chiffre ainsi à 100g/l de sucres résiduels mais n’en goûtait que 25-30, jamais je n’aurais pensé qu’il avait déjà 5 ans… (Notes des vins : 85+ à 90+/100 ; Mention du domaine : Exceptionnel ; Prix indicatifs : 20-60€).

Agathe Bursin joue dans un tout autre registre. Elle propose des vins beaucoup plus souple, faciles et immédiats. A mes yeux, les arômes et la pureté du fruit sont couverts par des sucres résiduels (pourtant moins important que chez Deiss) trop présents et dont je ne pense pas qu’ils s’intégreront. Je qualifierais ses vins de charmants. Ils plairont car immédiatement aromatiques. La VT (Vendange Tardive) m’a paru sans intérêt. Le Pinot Noir 2008 est en revanche merveilleux, un exemple ! (Notes des vins : 70-85/100 ; Mention du domaine : très bon ; Prix indicatifs : 8-30€).

Finalement, je voulais vous parler de Mélanie Pfister. Si je ne me trompe pas, elle est à la tête du domaine Pfister depuis 2006. Je dirais qu’elle représente le futur de l’Alsace. J’ai réellement adoré ses vins. Ils sont superbes, riches mais secs, avec de belles acidités. Les millésimes 2007 et 2008 sont superbes avec une préférence pour 2007. C’est assurément un domaine à suivre, je vous tiendrai au courant de l’évolution de ces très belles bouteilles, destinées il me semble à un avenir radieux et à une apogée dans les 10 prochaines années. Par rapport à Marcel Deiss, Mélanie travaille des cépages et vinifie, donc, sans sucres résiduels avec une bonne expression des terroirs. Mention spéciale pour ses grands crus Engelberg ! (Notes des vins : 75-90/100 ; Mention du domaine : Excellent ; Prix indicatifs : 8-30€).

Trois domaines et trois styles très identifiables, tous recommandables. Grands vins complexes, de terroir et à conserver pour Marcel Deiss ; des vins souples et charmeurs pour Agathe Bursin ; et des Rieslings (et Gewurztraminer) purs pour Mélanie Pfister. Peu d’Alsaciens mais belle présentation !

Mon ordre personnel de préférence ? 1- Pfister, 2- Deiss et 3- Bursin. Je place Pfister car je trouve ses vins plus accessible (d’un point de vue pécuniaire) que ceux de Deiss et je préfère parier sur un futur grand domaine que d’en rester à une valeur confirmée du vignoble français, en puissance pure et en complexité, (à confirmer à l’aveugle) Deiss garde quand même une grosse longueur d’avance. Bursin en dernier car je n’ai pas trop accroché l’équilibre des vins.

Riesling Wehlener Sonnenuhr Auslese 2006 by Weingut Kerpen (Allemagne, Mosel)


Weingut Kerpen est un domaine que j’ai déjà eu l’occasion de déguster plusieurs fois, mais jamais sur un Auslese 2006. 2006 est une année très concentrée en Mosel. Les raisins ont atteint de fortes maturités, donnant des vins particulièrement doux.

Le Riesling Wehlener Sonnenuhr Auslese 2006 (14 07) présente avant tout une couleur subjuguante, un sorte de jaune vert lumineux… magnifique. Le nez est marqué par une pointe pétrolée très élégante, associée à ce que je pourrais décrire comme de la girofle et les épices caractéristiques du botrytis (ce que vous sentez dans les Sauternes). Tout cela est enveloppé dans un bouquet très frais qui rappelle l’ananas et l’orange. L’ensemble est très subtil, discret, rien de démonstratif. En bouche, il est acidulé et sucré, toujours avec un peu d’orange, du miel aussi. La finale citronnée et fraîche laisse peu de sucre en bouche. Si l’équilibre est clairement moelleux, ce n’est pas du tout un vin de dessert : sa fraîcheur compense largement la douceur.

Mais ce n’est que trois jours plus tard que le vin livre son vrai parfum. Le nez développe alors des notes terpénique beaucoup plus marqués, supportées par des fruits exotiques et du citron. Il gagne nettement en complexité.

Ma note : 81/100 ; 5 +

Voici un vin finalement assez simple mais franc, plaisant (et d’un degré alcoolique faible). Il gagnera en expressivité à être conservé et bénéficiera de quelques années de vieillissement. Il accompagnera très bien la cuisine asiatique (comportant du gingembre et de la sauce soja notamment), de même que les fromages.

Ces vins qui ne sont pas parfaits mais qu’on n’oublie pas.


Cette situation vous est-elle déjà arrivé ?

Vous êtes en dégustation, vous goûtez, goûtez, goûtez… et vous évaluez ce que vous rencontrez. Au fur et à mesure, le palais devient plus sûr, les référentiels se construisent, les jugements s’affirment et se confirment. Tout va bien.

Et puis au milieu de cette dégustation se glisse un vin, moyen, un vin qui ne vous emballe pas pour bien des raisons voire même vous déçoit. Sur le moment, il passe après les autres et d’ailleurs, c’est bien sa place, car il n’est pas inoubliable…

Plusieurs jours plus tard, pourtant, quand vous repensez à cette dégustation, le souvenir de ce vin et son impression est toujours vivace. Pis encore, c’est un vin qui vous attire irrésistiblement. Il n’a pourtant pas changé, ni votre façon de le juger et pourtant… son souvenir est bien là, plus fort même que ceux qui le dépassaient en tout. Sentiment étonnant.

Aujourd’hui, cela m’arrive sur le Eiswein Ohlisberger 2009 de Reinhold Haart. Son explosion acide et ronde, enveloppante en même temps me revient de manière intense et obsédante ; me remémorant cette journée de dégustation, c’est ce vin qui s’impose. Etonnant. Pourtant, il n’était pas le meilleur et d’un rapport qualité prix déplorable… mais il reste. Peut-être est-ce sa personnalité extrêmement forte et étrange, peut-être le contexte… que sais-je ?

Un petit instant de magie où les méandres de l’esprit affleurent, sans se révéler, comme une veine pendant l’effort, un peu gonflée sous la peau.

Une région : Mittelmosel en Allemagne, pays du Riesling


De retour, donc, après une grosse semaine d’absence. Je vous ai livré quelques conclusions sur un très joli Côte du Rhône, mais en fait assez éloigné de ce que j’ai pu goûté durant ce déplacement.

Cette semaine a donc été l’occasion de parcourir une région magnifique et magique, la Mittelmosel en Allemagne. Pour faire simple, on parlera de Mosel mais le terme est imprécis car cette rivière coule sur plusieurs dizaines de kilomètres, définissant ainsi différentes zones viticoles.

C’est par Bernkastel que j’ai commencé et j’ai visité à partir de là Piesport (en aval), Graach an der Mosel (juste à côté) et Ürzig (en amont). Zone qui ne constitue qu’une petite partie de la région qui porte le nom de Mosel, celle-ci s’étendant des frontières française, luxembourgeoise et belge jusque à Koblenz.

La première chose qu’on remarque dans ce merveilleux endroit, c’est le paysage magnifique. Il est vrai que les régions viticoles sont rarement laides (quoique… le bordelais n’est vraiment pas folichon :)), mais elles sont rarement aussi belles. Je n’ai malheureusement pas eu le loisir de me promener sur les coteaux et dans les vignes du fait de défaillance des différents temps : relativement mauvais pour celui qu’il fait et trop court pour celui qui passe. Les photos parlant d’elles-même, j’illustre.

De même, l’architecture du coin est vraiment intéressante avec ses murs en ardoise noire, ses maisons à colombages et autres beffrois gothiques. De tout point de vue, c’est donc une étape hautement recommandable. Là aussi, j’illustre.

Ce passage éclair dans la région m’a permis de découvrir des vins tout à fait à l’image du paysage, absolument superbes. Ici, le vin est fait quasi exclusivement à partir du Riesling. Mais outre les différents terroirs, le travail porte aussi sur différents degrés de maturité et différents taux de sucres résiduels dans les vins finis. Certes au bout du compte, avec le système qui plus est d’homologation de lots différents d’un même vin, il devient difficile de s’y retrouver… mais c’est bien pour ça qu’on est là 😉

Les vins, donc, comment sont-ils fait ? Les rendements sont assez variables mais plutôt élevés par rapport à nos régions. Ceci dit, il est difficile de parler de rendement global quand on récolte ici à maturité normale puis à différents degrés allant jusque parfois au TBA, plus souvent BA (Beerenauslese). Cela correspond à nos Sélections de Grain Noble alsaciennes. Les vinifications sont réalisées ou bien en cuve inox, ou bien dans de vieux fûts traditionnels de 1 000 litres qui sont souvent âgés de plus de vingt ans. La particularité des vins de Mosel va apparaître ici. En cours de vinification, il va être décidé d’interrompre les fermentations et laisser une certaine quantité de sucres résiduels. Cette quantité va d’une vingtaine de grammes pour un « feinherb » à 80g ou plus pour un Auslese, 120-150 pour un BA…

Mais il ne faut pas penser les vins de Mosel en terme de sucres résiduels car ces vins ont un profil très souvent sec ! Mieux, avec le vieillissement, les Spätlese ou Auslese qui se situent souvent entre 50 et 80g de sucres résiduels vont progressivement fondre leurs sucres. Il est vrai que le marché demandant des vins secs, les producteurs commencent à proposer des vins de ce type. Toutefois, un Riesling Feinherb comme le Schieferstern Riesling Feinherb 2008 de Trossen R&R, ou un Kabinett comme Bernkasteler Badstube Kabinett 2007 de Sofia Thanisch (Wwe Dr. H. Thanisch – Erben Thanisch), qui sont des vins entre 15 et 30g/l de SR, goûtent sec ou du moins appellent des accords de vins secs.

Plus généralement, en deçà de 50g/l de SR, la sensation moelleuse est à peine perceptible. Au delà, elle le sera jusque à 10 ans de vieillissement et s’estompera au delà. J’ai d’ailleurs goûté un Auslese de 1994 dans lequel j’aurai mis une vingtaine de grammes de SR et où il y en avait en réalité 75g/l… (et pourtant, Dieu sait que je suis habitué aux SR qui se cachent, notamment grâce à l’expérience des vins autrichiens où un palais français ne décèle habituellement qu’un tiers à la moitié du taux réel de sucre).

Avec ces vins, il faut donc repenser notre référentiel sucre et ceci est dû à la minéralité et à l’acidité stupéfiante de ces vins. Les versions sèches réalisées à l’heure actuelle sont intéressantes également, mais je trouve que l’on perd beaucoup d’originalité et de richesse par rapport aux versions traditionnelles avec SR qui s’appellent là-bas « fruitées ».

Leur autre particularité est leur incroyable diversité. A l’image de la Bourgogne en France, ces vins, pourtant tous issus du cépage Riesling, ont des profils radicalement différents. Au point que l’on pourrait dire qu’ils ne proviennent pas du même raisin ! La différence est déjà flagrante quand on compare un Riesling standard de Piesport, de Bernkastel, de Graach et d’Ürzig. Sur les Kabinett, Spätlese et Auslese, cela devient encore plus flagrant.

Il est donc clair que cette région est à découvrir d’urgence… d’autant plus qu’un projet absolument ubuesque d’autoroute et de viaduc risque de, au mieux, détruire le beau paysage de la région, et au pire, détruire l’essence même de ce terroir. To be continued…

Je reviendrai sur la région dans de prochains billet avec des exemples de vins dégustés.

Vievinum 2010 (Wien, Österreich) – Part 3 : Blancs


Notre rétrospective Vievinum s’achève avec les blancs. De très loin, les blancs sont la production dominante d’Autriche. Ils sont aussi les vins les plus emblématiques, avec en particulier les grands Riesling et Grüner Veltliner de la Wachau. Pas surprenant que sur Vievinum, ce soit les blancs qui aient dominé les débats en matière quantitative. Quant à la qualité, c’est une autre histoire !

Les millésimes de blanc, par leur élevage, voient leur date de sortie décalée d’un an d’avec les rouges. Cette année, Vievinum proposait donc essentiellement des 2009 mais quelques producteurs ont eu la bonne idée d’apporter des 2008 (en comparaison) et plus rarement des 2007 et 2006. Si 2008 était un bon millésime, classique, 2009 est beaucoup plus problématique. D’Est en Ouest, les conditions ont été de plus en plus mauvaises et les résultats à l’avenant. Quant au sud, en Steiermark et Südsteiermark, la grêle a ruiné une grande partie de la récolte. 2009 est donc, il ne faut pas se voiler la face, une très mauvaise année. Après dégustation à Vievinum, j’ai d’ailleurs considéré que c’était un millésime à ne pas acheter, par défaut, en attendant de regouter un peu plus tard.

Chardonnay Tatschler by Kollwentz

En Burgenland et en Carntum, on découvre un 2009 correct à bon. Markowitsch propose par exemple un Grüner Veltliner Alte Rebe 2009 plutôt intéressant et original, noté 77/100. De même Gmeiner ou encore Prieler. Kollwentz, là encore, domine les débats avec ses vins les plus simples (les autres étaient présentés en 2008). Son Chardonnay Leithagebirge (85/100) ou son Sauvignon Blanc Steinmühle (88/100) sont parmi les tous meilleurs blancs 2009 dégustés. Tous millésimes confondus, Schönberger sur Herbst Weiss 2007 et Sauvignon blanc Kräften 2007 tous les deux à 88/100, fait partie des révélations du salon (ses rouges sont aussi intéressants). Mais LE vin qui a fait oublier tous les autres, c’est le Chardonnay Tatschler 2008 de… Kollwentz. Un vin de très haut niveau, que je n’hésiterai pas à présenter face aux grands bourgognes blancs. Un profil aromatique exceptionnel, un élevage irréprochable et une magnifique tension, pour un vin qui devrait se bonifier sur un décennie au minimum et que j’ai gratifié d’un 92/100 plus que mérité ! Je suis rarement à ce point enthousiaste mais ce salon m’a donné quelques occasions de frisson, celle-là en était une.

En remontant un peu au Nord, en Thermenregion, j’ai rencontré un magnifique vin en personne du Zierfandler Grosse Reserve 2007 de Stadlmann, confirmé par la dégustation du 2006 un peu plus tard. C’est un vin avec un peu de sucre résiduel, sur une gamme aromatique peu commune, mêlant le fruit exotique et le végétal. Comme un brin de thym au miel… superbe (92/100).

A l’opposé, au Sud, Walter Skoff réussit un très très beau (ne boudons pas notre plaisir) Sauvignon Blanc Obegg 2008 (90/100) mais je n’adhère pas du tout au Royal de la même année, bien fait mais beaucoup trop boisé à mon goût. Ce vin m’a un peu fait pensé au Chef d’oeuvre inconnu de Balzac (lecture que je vous recommande chaudement). Georgiberg marque encore des points avec sa jolie gamme très bien faite et très bon marché.

En repartant au Nord-Ouest, dans les grands vignobles historiques (Wagram, Traisental, Kremstal, Kamptal et Wachau), les choses se gâtent. Enfin, se gâtent pas tant que ça avec le sommet des sommets, en 2009 ! qui sera Bernhard Ott. Basé en Wagram, le domaine travaille en Biodynamie sur une trentaine d’hectares planté à 95% de Grüner Veltliner. 5 ont été détruit par la grêle et les conditions climatiques de 2009 n’ont pas gâté le reste, impliquant un gros travail à la vigne et un tri rigoureux. Mais même sur ce millésime catastrophique chez certains ténors, Ott sort deux vins EXCEPTIONNELS, des sortes de 1er crus, sélections parcellaires, destinées à la vente au domaine uniquement. Ce sont Der Ott 2009 et Rosenberg 2009, et je les ai notés à 95/100. Rosenberg me semble un peu au dessus de Der Ott, affichant une originalité encore supérieure et une finesse absolue. Ces vins sont monumentaux et doivent faire partie de votre MUST DRINK !

En Kremstal, plutôt spécialisé Riesling, les choses sont encore plutôt bien tenues, avec un magnifique millésime 2009 chez Alois Zimmermann. Pour avoir dégusté une verticale 2003-2009, seuls 2006 (un millésime fabuleux en Kremstal) et 2008, au bénéfice de l’âge, passent devant 2009, qui sera de manière certaine un très bon cru. A&F Proidl, la référence de la région, m’a vraiment emballé par sa production. J’ai notés ces vins aux alentours de 80/100 et pour ne rien gâter, les prix sont raisonnables.

Toujours plus à l’Ouest (et Nord-Ouest), on arrive dans les deux grandes régions historiques que sont le Kamptal et, surtout, la Wachau. Ces deux régions sont partagées entre le Riesling et le Grüner Veltliner et ont pour particularité de produire des vins très concentrés, très denses et de haute maturité. D’habitude, donc, des vins très profonds aromatiquement, complexes et cependant extrêmement élégants du fait de leur belle acidité. Des vins de garde et parmi les meilleurs du monde. Sauf que… sauf que 2009 a été vraiment pourri sur la fin des vendanges. Ce qui s’est apparemment passé est que la pourriture grise s’est développée plus vite que prévu et sans le bénéfice de l’ensoleillement. Les acidités se sont donc effondrées et les jus se sont dilués sous l’action des pluies. Les précurseurs aromatiques et les arômes par extension ont souffert des effets de la pourriture et des maladies, donnant des vins peu expressifs.

Un salon de Vievinum

Cette analyse n’engage que moi, mais c’est la conclusion logiques de plusieurs remarques que je me suis faites à partir des dégustations et des discussions que j’ai pu avoir. Première chose, les vins les plus simples (vendangés plus tôt, à maturité moins poussées) que sont les Federspiel en Wachau sont les plus réussis. La seconde est que les Riesling sont globalement moins ratés que les Grüner Veltliner et il se trouve que, compte tenu des conditions climatiques, les producteurs ont décidé de rentrer les Riesling plus tôt. Il est donc clair que le problème est venu de conditions de plus en plus mauvaise et du développement de la pourriture grise. Parmi les très grosses déceptions du salon, sur le millésime 2009, Emmerich Knoll dont je n’ai apprécié, c’est un comble, que le Gelber Muskateller Federspiel, Franz Hirzberger, FX Pichler, Alzinger, Brundlmayer, Hirsch… si vous connaissez un peu l’Autriche, on parle là des stars du pays. La palme revient d’ailleurs au dernier qui livre un Grüner Veltliner Kammerner Lamm 2009 rigoureusement imbuvable (faux goût, goût de souris, terre… affreux comme j’en ai rarement dégusté). Qui donc s’en est sorti ?

Rudi Pichler propose une gamme cohérente, propre et agréable. Certes pas à la hauteur de ses 2008 avec lesquels la comparaison est instructive. Cependant, on peut sereinement conserver ces flacons. Un nouveau venu, Veyder-Malberg, qui a pour particularité de ne pas respecter le Codex Wachau et donc n’a pas une gamme habituelle de Federspiel à Smaragd, recherche la fraîcheur et la minéralité plus que la maturité et est donc le premier à vendanger de la vallée, pratiquement deux semaines plus tôt. Le résultat cette année est superbe, des vins tendus à l’avenir certain.

Le même salon sous un autre angle.

Voilà donc pour notre petit parcours de l’Autriche et de ce très beau salon. Beaucoup d’autres choses auraient mérité d’être signalées mais voilà déjà trois longs billets qu’il ne sera pas évident de digérer. Une dernière remarque : Vievinum est sans doute le plus beau salon que j’ai jamais fait. Le cadre est absolument magnifique. Rien que pour ça, il faut y aller !

Quick review : Riesling Trocken 2008 by Fritz Haag (Allemagne, Mosel)


Magnifique exemple de finesse et belle démonstration que même sous capsule à vis, un vin évolue. Des touches petrolées dans un océan de fruit frais, acide. Ça se boit tout seul et c’est donné. Magnifique accord sur le saumon fumé, le saumon fumé à chaud, le saumon et le lavaret en gravolax… En sommes tous les poissons crus et fumés, sashimi recommandés !! 83/100 ; 5 +

Riesling Trocken 2008 by Fritz Haag (Allemagne, Mosel)

Vievinum 2010 (Wien, Österreich) – Part 1 : Liquoreux


J’ai enfin terminé la synthèse des 280 échantillons dégustés sur Vievinum 2010 à Vienne en Autriche (j’utiliserai Wien pour éviter les confusions avec la Vienne française). Le bilan est extrêmement positif puisque même avec un millésime difficile comme 2009, il y a très peu de ratés, et une moyenne très élevée de 79,3/100.

Pour la répartition, beaucoup de 2009 soit environ 120 vins, 80 sur 2008, 50 sur 2007 et le reste se partage entre 2006 et des choses plus rares de 2005 à 1995. Deux bon tiers de blancs, assez peu de liquoreux car ils me ravagent le palais par leur acidité, au point que cela devient douloureux. Habituellement, je déguste beaucoup de rouge en Autriche (! car la majorité des vins autrichiens sont blancs), car je suistrès intéressé et emballé par le Burgenland, qui est remarquable pour sa production de rouges. Seulement, une fois n’est pas coutume, je décide de me concentrer sur la Wachau et ses satellites que sont le Kremstal et le Kamptal.

Que dire donc de tous ces vins et, surtout, qu’en retenir ? Dans ce premier opus « Vievinum », je m’attarderai sur le cas des liquoreux, ces vins hors normes, pouvant atteindre 400g/l de sucres résiduels.

Mes coups de coeurs vont de manière assez peu surprenantes justement à des liquoreux. Si je prends mon top 10, 7 sont des TBA (Trockenbeerenauslese), BA (Beerenauslese) ou Ruster Ausbruch, c’est-à-dire des vins supérieurs à 150 g de sucre résiduel par litre. A côté de ça, Yquem peut se rhabiller ! C’est somme toute assez logique car :

1/ L’Autriche est un des plus grands producteurs de liquoreux. Jusqu’à la crise de 1985, c’était d’ailleurs leur spécialité. On trouve là-bas parmi les meilleurs vins de ce type, portés par des acidités remarquables et un équilibre en bouche incroyable.

2/ Les liquoreux proposés l’ont souvent été dans des millésimes plus anciens.

3/ Le profil aromatique et la typologie de ces vins les rends particulièrement adaptés aux dégustations du type salon.

Les millésimes présentées sur ce type de vin étaient principalement 2007 pour les TBA et affiliés, 2008 pour les vins moins concentrés et 2006 pour les Schilfwein (passerillés). Au vu des dégustations, 2007 est un excellent millésime de liquoreux, notamment en Burgenland. 2008 s’annonce magnifique sur les Beerenauslese (BA) et les degrés plus légers. 2009 sera inexistant car les conditions climatiques n’ont pas été clémentes. Feiler-Artinger, spécialise s’il en est des liquoreux, ne sortira qu’un seul Ruster Ausbruch sur 2009, en revanche, il faudra attendre pour juger les Beerenauslese qui pourront peut-être tirer leur épingle du jeu.

Les domaines qui m’ont particulièrement impressionnés sont Feiler-Artinger, avec une gamme de Ruster Ausbruch très homogène au niveau qualitatif et de jolies variations entre la version standard et les Pinot Cuvée et Chardonnay Essenz.

Ruster Ausbruch Chardonnay Essenz 2007 by Feiler-Artinger

Toujours en Burgenland et toujours à Rust, Ernst Triebaumer a fait le pari des vieux millésimes. 1995 en Ruster Ausbruch est un vin magnifique, à maturité, très sur le cuir et ce type d’arômes « bruns », des vins patinés qui seront certainement magnifiques sur des fromages ou même certaines volailles (promis, j’essayerai). Il présentait aussi un Ruster Ausbruch 1998 absolument sublime, dominant le 1995 par son équilibre et ses fruits exotiques, qui en font un vin beaucoup plus charmeur. On s’en délectera pour lui même, contemplativement et en compagnie musicale, par exemple.

Cols de Ruster Ausbruch, Ernst Triebaumer

Burgenland encore, le domaine Hans Tschida dont je dégustais la gamme pour la première fois, est une des révélations (pour moi) du salon. Ses vins sont magiques, encore jeunes, mais un cran au dessus de la référence (et voisin) Kracher. Au demeurant, les vins de ce dernier ne déméritaient pas mais à mon goût manquent d’un surplus aromatique. Leur texture soyeuse reste cependant exceptionnelle et inimitable.

Schilfwein Muskat Ottonel 2006 by Hans Tschida

Le dernier domaine à m’avoir offert des liquoreux d’exception est A&F Proidl en Kremstal et c’est en fait le premier que j’ai dégusté lors de ce week-end. Son Riesling Senftenberger TBA 2007 et surtout sa Senftenberger Süsse Reserve sont des monstres de fraîcheur. J’ai perçu le second à une petite cinquantaine de grammes de sucres résiduels alors qu’il en affiche 115 au compteur. C’est dire !! Ces vins sont des chefs d’oeuvre d’équilibre et encore très jeunes.

Riesling TBA Senftenberger by A&F Proidl

Finalement, je recommanderai quand même à qui voudra se frotter à ces vins, qui titrent à plus de 250 g/l de SR, soit deux fois plus que les liquoreux français. De se rappeler deux choses. D’abord que ces vins n’ont rien à voir avec leurs homologues de chez nous. Ils disposent d’acidités absolument ahurissantes qui font passer 300 g/l comme s’il n’y avait que 100 g/l. Mais ensuite, que ces vins nécessitent quand même de s’y initier. Je vous conseillerai donc de commencer par des BA, en général deux à trois fois moins cher et beaucoup plus facile à aborder.

La question finale : un vin comme ça, ça se boit comment ?

Surtout pas sur un foie-gras ! Sur des desserts, notamment les desserts glacés. Attention au chocolat, vous risquez des accords malheureux, sauf si vous dégotez des TBA ou Schilfwein rouges (ce qui existe !!), qui alors seront sublimes. Vous pouvez les essayer aussi sur tout type de dessert qui ne soit pas trop sucrés. Desserts au fruits, desserts de restaurant. J’éviterais personnellement les cakes. Vous pouvez aussi apprécier ces vins tous seuls, comme digestifs.

Rappel des 7 du top 10 (notés entre 95/100 et 97/100, et je n’ai pas l’habitude d’être généreux, le top 3 est en gras)

– Ernst Triebaumer, avec ses Ruster Ausbruch 1995 et Ruster Ausbruch 1998

– Hans Tschida, avec ses Sämling 88 BA (Scheurebe) 2007, Chardonnay TBA 2007 et Muskat Ottonel Schilfwein 2006

– Feiler-Artinger, avec ses Ruster Ausbruch Pinot Cuvée 2007 et Ruster Ausbruch Chardonnay Essenz 2007