vin

Miss Harry 2008 by Hewitson (Australie, Barossa Valley)


L’erreur à ne pas faire avec les vins de ce type (erreur qui en général est recommandée sur la contre-étiquette) est de les boire à

Hewitson, Miss Harry 2008, Barossa Valley

température normale. C’est doux, gouleyant mais affreusement lourd. Mais si on le passe un petit coup au frais, histoire de le redescendre à 14°C, ça commence à être accessible.

Accessible, certes, mais quand même un peu grassouillet en bouche.

Vous me direz, la bouche c’est bien, mais avant, on goûte par l’oeil et le nez.

L’oeil, donc, un rouge bien brillant, profond par sa couleur mais peu dense (surprise), pas tellement violacé sur le disque (surprise bis puisque c’est un vin jeune). Il est vrai que l’ensemble de la robe tend vers le pourpre, ce qui explique sans doute pas mal de chose. Le vin est relativement translucide puisque je peux pratiquement voir au travers… c’est sans doute le plus étonnant pour un liquide vineux affichant une telle maturité…

Parce qu’au nez, le côté Shiraz (j’ai tendance à comprendre la Shiraz comme le résultat de la cuisson de la Syrah au soleil) est flagrant, avec sa sucrosité, sa confiture de myrtille, de cerise et ses notes caramélisées. Le boisé n’est pas évident, ce qui est un bon point. Si on repart dans l’analytique, franchement, en dehors de la Syrah, pardon, Shiraz, j’ai du mal à remettre autre chose (le reste), parce que je suis sûr qu’il y a autre chose. Ce qui me fait dire que ce n’est pas un monocépage est le toucher particulier des arômes, une sorte de complexité, d’assemblage… qui, bien qu’indéfinissable, est toujours sensible. Il y a une pureté, une rectitude dans les monocépages qui les rendent immédiatement reconnaissables. Ce n’est pas le cas ici, même si l’impression est proche. Il suffit par exemple de se souvenir de 100% Shiraz du même coin comme The Logde Hill Shiraz de Jim Barry (bon, ok, c’est la Clare Valley, pas la Barossa…) pour comprendre ce trait particulier. L’autre indice, c’est la couleur beaucoup trop légère pour être de la Shiraz pure. Un peu de connaissance du lieu permet de se dire qu’on pourrait avoir du Grenache, vu qu’ils en font un vin souvent très léger en couleur et en goût. Bref, de ce point de vue, je suis quand même un peu perdu.

Me remettant de mon « mustikkapiirakka » au nez (tarte à la myrtille finlandaise, celle où il n’y a que des myrtilles), je le retrouve bien présent en bouche, et même avec la sucrosité, celle qu’on a dans la confiture, après la cuisson longue des fruits. On retrouve aussi une touche résineuse, comme du bois aromatique… C’est plutôt long, mais la finale est lourde puisqu’il ne reste que ce trait confituré et un peu d’alcool. A mon goût, c’est nettement moins harmonieux que le Lodge Hill évoqué plus tôt. Même en faisant abstraction de la finesse que je recherche habituellement dans ces assemblages, ce corps de pin-up a du mal à m’emballer. Le kitsch « too much » de ces bouteilles, auxquelles je commence à être sensible, ne fonctionne pas à plein, du fait du gras sucré de la fin de palais. C’est dommage.

The Lodge Hill Shiraz by Jim Barry, Clare Valley, Australia

On ajoutera que le vin est très peu tannique, très rond et que l’accord sur un filet de porc à la crème a été de bon aloi. Un filet de boeuf ou autre viande rouge tuerai ce vin axé plaisir et facile à boire (à noter que l’objectif est un peu raté). J’ai aussi essayé une consommation à l’anglo-saxonne devant le film de la soirée… là encore ça n’a pas fonctionné à cause du manque de fraîcheur, que même la glace n’a pas su ramener. Et je me suis rabattu, justement, sur une glace d’un autre genre !

En tout cas, comparé au 2007, 2008 livre une bouteille supérieure, plus homogène, plus nette et fruitée. Et côté cépages… Shiraz, Grenache à parts égales (!?!), Mourvèdre et Cinsault.

Ma note : 68/100 ; 0 0

C’est un bon vin, qui pèche par un manque de finesse et une finale un peu lourde. Il est par contre aromatiquement très expressif et s’en sort très bien pour peu qu’on lui trouve un pendant culinaire idoine. Il frise la barre des 70 grâce à cette intensité et concentration en arômes, la finesse en plus et il serait proche des 75…

Pour localiser Barossa vs Clare...

Ma Notation des vins


Je pense que la première chose que je me dois de faire est de vous expliquer, puisque nous serons amenés à discuter de l’évaluation des vins, la manière dont je note un vin.

Outre les descriptions de dégustations, qui sont l’essence même de la prise de notes, il me semble important et utile d’attribuer une note au vin considéré. Plus tard, nous aurons sans doute l’occasion de discuter de la pertinence et de l’intérêt de la note ; pour le moment, je dirais juste que c’est un moyen d’aborder vite et synthétiquement un vin, un événement ou un millésime.

Ma notation tâche de rendre compte de deux aspects du vin : sa qualité à l’instant t et son avenir. L’avenir est incertain, c’est une lapalissade, donc ma notation du potentiel du vin est plus floue. Quant à la partie principale de la note, sur 100, elle rend compte de l’évaluation du vin au moment de la dégustation et à ce moment seul. Si j’attribue un 87/100, cela signifie donc que ce vin me semble offrir un plaisir de 87/100 en l’état et sans considérer ce qu’il donnera dans cinq ou dix ans (plus tard, je vous donnerai des exemples).

A l'issue d'une dégustation arrosée, un verre où l'on reconnaîtra un Chianti Classico du Castello della Panaretta.

Reprenons maintenant ces notes par le menu :

L’Evaluation : elle est donnée sur 100. Mais contrairement aux notations habituelles sur 100 où finalement les vins sont notés entre 80 et 100, je considère qu’un vin est buvable à partir de 40. Un vin à 60 est déjà un bon vin, propre à croiser votre chemin et exciter vos papilles. Cette notation sur 100 est en fait obtenue par addition de 5 sous-notes sur 20. J’évalue à ce niveau, d’abord au nez puis ensuite en bouche, l’intensité des arômes, d’une part, et leur qualité (complexité, finesse, élégance), d’autre part… si vous me suivez, nous avons donc 4 notes sur 20. La cinquième note me permet finalement d’intégrer un aspect important  mais difficile à catégoriser de la dégustation, je l’appelle la « recommandabilité ». Je désigne pas là une sorte de méta-note, qui quantifie mon désir de partager le vin avec vous, le degré de caution que je lui apporte… difficile à expliquer mais révélation ô combien limpide quand j’ai, un jour par pur hasard, découvert ce paramètre. A ce moment, j’ai soudainement trouvé un mode de notation qui rendait effectivement compte de mes impressions de dégustation, quand les seuls paramètres purement scientifique me semblait tomber court…

Au bilan, pour vous faciliter la lecture, on arrive donc à une échelle sur 100 que l’on peut synthétiser de la sorte et vous pouvez remarquer que j’associe pour facilité un code couleur hautement original :

< 30/100 : vin à défaut, mauvais, mal fait.

de 30/100 à 39/100 : vin quelconque, pas mauvais mais sans intérêt (on préférera un verre d’eau).

de 40/100 à 59/100 : ensemble  des vins corrects, de tous les jours (parce qu’on ne peut vraiment pas boire de l’eau tout le temps).

de 60/100 à 69/100 : bon vin, on commence à se faire plaisir, à trouver quelque chose de pas tout à fait inintéressant dans le verre.

de 70/100 à 79/100 : très bon vin. Là, on rentre dans le sérieux. Du beau, du vin qui raconte quelque chose. Couramment, c’est le type de note que je donnerai à un grand vin dans sa jeunesse (exemple les Cotats de François, sortent souvent à ce niveau).

de 80/100 à 89/100 : grand vin, on entre dans la catégorie des vins qui vous marquent, des vins qui vous mettent  tout un roman sous nez et sur la langue.

de 90/100 à 99/100 : vin exceptionnel. C’est un peu comme le final du Requiem de Duruflé (pardonnez-moi la référence… mais on trouve la jouissance esthétique indépendamment du contexte), un phrasé, une émotion, une caresse sublime… bref… c’est rare, c’est magique et c’est pour ça qu’on aime le vin.

100/100 : l’émotion absolue ! (Pour le moment un seul vin a décroché ce graal : un Château Gilette 1967)

(Les esprits cartésiens se diront que si c’est vert, c’est bon à acheter… et je ne vous dirai pas que c’est une mauvaise synthèse !)

L’Avenir, le potentiel : il est naturellement à comprendre (au sens étymologique, même) avec la note d’évaluation. Elle se divise en deux. D’abord un chiffre : 0, 5, 10, 15 et une échelle : – –, –, 0, +, ++, +++, ++++.

Le chiffre donne le nombre d’années à partir de laquelle j’estime que le potentiel du vin sera atteint, en gros, le moment où il sera possible de boire sans se perdre en conjectures. 0 veut dire que le vin ne doit pas être attendu, 5 signifie qu’il sera bon d’ici environ 5 ans, 10 correspond à un vin qu’il faudra encore attendre 10 ans, 15 veut dire qu’il faudra vraiment attendre longtemps.

L’échelle se décrypte de la sorte : – –, le vin est déjà mort ; –, le vin est en phase descendante ; 0, le vin ne gagnera rien à attendre ; +, le vin va gagner environ 5 points par rapport à son évaluation d’origine ; ++, le vin va gagner environ 10 points ; +++, il va gagner 15 points ; et enfin ++++, il va gagner plus de 20 points.

Exercice maintenant que ne renierait pas votre actuel ou lointain professeur d’arithmétique :

77/100 ; 15 ++++ : Dans environ 15 ans (vous comprendrez que plus je repousse l’échéance, moins c’est précis), disons dans 10 à 20 ans, le vin aura gagné plus de 20 points (il se sera ouvert, aura développé ses arômes… essayer de prévoir cette évolution est difficile, mais l’expérience d’autres millésimes permet de faire ces projections), donc en somme, dans une quinzaine d’année, j’estime que je noterai ce vin aux alentours 98/100 et même probablement 100/100. Là encore, nous reviendrons sur ces problématiques de notation, car on pourra déduire beaucoup de chose de ces petits chiffres.

Nous voici donc parés pour l’aventure, et vous saurez désormais de quoi je parle quand je m’attellerai aux notes de dégustation ou à mes impressions générales lors des visites annuelles des salons, des vignerons…